Clôture des Assises de la protection sociale des Français de l'étranger - allocution de Florian Bohême
- Florian Bohême
- 9 nov.
- 6 min de lecture

Les Assises de la Protection Sociale des Français de l'étranger sont un cycle de concertation qui s'est tenu de mars à octobre 2025, organisé par l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) à la demande du gouvernement. L'objectif était de réfléchir à l'avenir de la protection sociale pour les Français expatriés en abordant des sujets clés comme les aides sociales, les bourses scolaires et l'avenir de la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Les conclusions seront remises au gouvernement en décembre 2025.
Seul le prononcé fait foi.
Discours de clôture des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Présidente de l’Assemblée,
Mesdames et Messieurs les Conseillers des Français de l’étranger,
Mesdames et Messieurs les Directeurs d’administrations et d’institutions,
Mesdames et Messieurs les membres du collège des experts,
Mesdames et Messieurs les partenaires,
Mesdames et Messieurs,
Il y a six mois, avec Laurent Saint-Martin, alors ministre en exercice, nous ouvrions ensemble ces Assises de la protection sociale des Français de l’étranger.
Par lettre de mission, il a confié à l’Assemblée des Français de l’étranger une tâche aussi ambitieuse que nécessaire : travailler et concerter le plus largement possible autour de trois thème qui constituent la politique de protection sociale dédiée aux Français de l’étranger :
Les Aides sociales directes et indirectes
Les bourses scolaires et le soutien aux enfants en situation de handicap
L’avenir de la Caisse des Français de l’étranger.
Ces Assises se sont ouvertes dans l’urgence , dans l’incertitude institutionnelle, sans le confort d’une préparation longue, mais avec la détermination de celles et ceux qui savent qu’il n’y a plus de temps à perdre.Face à l’état si incertain de ce monde en crise, face à une République française qui se noie dans son désordre institutionnel, face aux fractures qui s’élargissent partout, nous avons essayé d’ouvrir un espace de dialogue, de créer les conditions d’une concertation unique et inédite. Le résultat est forcément imparfait mais il est sincère. Les propositions citoyennes sont là.
Nous avons voulu que rien ne soit caché, que tout soit partagé, que ces Assises soient le reflet d’une méthode : la transparence et la participation.
Ainsi, au fil des mois :
les administrations ont dressé un état des lieux précis et réaliste;
trois grands webinaires thématiques ont permis d’éclairer les enjeux ;
plus de cinquante réunions locales ou conseils consulaires, se sont tenues partout dans le monde, grâce à l’engagement des Conseillers des Français de l’étranger, des consulats, et des associations ;
près de 12 000 citoyennes et citoyens ont pris la parole à travers un questionnaire en ligne;
des cahiers d’acteurs ont été déposés par des associations, des collectifs, des élus, des groupes politiques ;
plus de 900 interactions ont été enregistrées sur la plateforme d’intelligence artificielle hébergée par Panoramics ;
et enfin, un panel citoyen de 60 participants venus du monde entier a été tiré au sort, avant qu’un vote final associe 250 citoyens à la priorisation de 12 propositions par thème.
Le résultat est là : 355 propositions.355 idées, constats, appels, parfois imparfaits, souvent bouleversants, et toujours sincères.
Qu’il me soit ici donné l’occasion de remercier sincèrement, chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce formidable exercice de démocratie participative :
les citoyens d’abord, pour leur franchise et leur exigence
le collège d’experts, pour la rigueur et la pédagogie de leurs éclairages ;
les parlementaires et les élus pour leur soutien et pour l’organisation des assises sur le terrain
les associations, les collectifs, les médias, pour leur relais auprès de nos communautés ;
les administrations, pour leur sens du service public ;
et enfin, la Commission nationale du débat public, pour sa vigilance et la garantie qu’elle a apportée à la sincérité de nos échanges.
Dès le lancement des Assises, à la réception même de la lettre de mission, nous savions que nous touchions là à un sujet essentiel — tellement essentiel qu’il en est un pilier de notre pacte républicain.
La déclaration de politique générale prononcée hier par le Premier ministre Sébastien Lecornu, et l’annonce de la suspension de la réforme des retraites, viennent le rappeler avec force : la protection sociale n’est pas un simple mécanisme budgétaire, c’est une question de société, de justice et de dignité.
À travers ces Assises, nombre de nos compatriotes ont voulu dire avec clarté, souvent avec émotion : « Nous aussi, nous appartenons pleinement à la République. Nous aussi, nous sommes Français. Et nous voulons être reconnus comme tels. »
À cet instant de mon intervention, permettez-moi d’évoquer la mémoire du fonctionnaire résistant Pierre Laroque, l’un des artisans de la Sécurité sociale de 1945, qui écrivait :
« La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances,
il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes.
Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale,
elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain,
de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité
et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir,
et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »
Oui, ces mots datent d’une autre époque. Ils peuvent paraître d’un autre siècle, empreints d’un souffle presque lyrique.
Mais ils sont le socle même de notre République sociale.
Ils appartiennent à ce patrimoine moral que nous partageons, à ce legs qui fonde encore aujourd’hui notre contrat collectif.
Et même si en étant à l’étranger nous savons que ces droits ne sont pas exportables, même en étant à l’étranger, nous savons qu’un système de protection sociale ne peut être à l’identique de ce que nous avons en France, même en étant à l’étranger, nous savons d’abord que nous sommes des citoyens de la République Française.
Madame la Ministre,Vous prenez vos fonctions dans un moment unique, probablement exceptionnel, et peut-être plus que vos prédécesseurs, nous attendons de vous des résultats.
Pour le temps qui vous sera donné – et je le dis sincèrement, je souhaite qu’il soit long – vous porterez une mission essentielle :
Avant même de reconstruire une protection sociale digne de ce nom pour les Français de l’étranger, il vous faudra éteindre les incendies
incendie social, car il a été indécent de réduire de 5 % les aides sociales destinées à ceux qui n’ont déjà rien.
incendie à la Caisse des Français de l’Etranger, dont la réforme de 2018 a laissé des traces indélébiles et étouffe aujourd’hui le modèle économique. Je ne veux pas paraphraser le 1er Ministre Attal, mais si l’Etat a commis une erreur, alors l’Etat répare. Ce qui se passe aujourd’hui à la Caisse des Français de l’étranger ne peut être uniquement supporter par les adhérents de la Caisse.
Incendie à l’Agence pour l’Enseigenment Français à l’Etranger, où la tension financière met terriblement en péril le nécessaire soutien aux familles boursières et aux enfants en situation de handicap.
Madame la Ministre, je ne veux pas dramatiser le propos, ce que je décris est ce que nous avons vu ces six derniers mois. Ce qui a été finalement le plus intéressant, mais aussi le plus poignant dans ces Assises, c’est d’entendre les témoignages directs de nos compatriotes.
Les 355 propositions ne sont pas des vœux pieux : elles constituent un socle, un panier dans lequel, Madame la Ministre, il conviendra désormais de faire vos courses. Je salue votre engagement passé via la proposition de loi 1517 co-déposée avec le député KArim Ben Cheikh. De la où vous êtes aujourd’hui, vous avez cette possibilité, cette capacité à agir concrètement, nous comptons sur vous.
Ces Assises se terminent aujourd’hui, mais leur esprit commence à vivre. Il nous appartient, à tous, de transformer cette intelligence collective en actes concrets, chacun à son niveau. C’est pour cela que nous remetrons courant décembre un rapport complet au Gouvernement, aux Assemblées parlementaires et au CESE.
L’Assemblée des Français de l’étranger proposera aussi au Gouvernement de créer un comité de suivi des Assises.
En mars dernier, je concluais mon intervention le lancement des Assises par un appel à l’impérieuse nécessité de Faire France Ensemble.
Finalement, je crois, à notre niveau, avec nos moyens, avec notre énergie que nous avons su montrer que Faire France Ensemble était possible.
Je vous remercie.
Retrouvez-ici l'allocution d'Eléonore Caroit, Ministre déléguée chargée des partenariats internationaux, de la Francophonie, des Français de l'étranger
