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Le portrait du mois d'avril 2021 - Boun Kean EAP, fier de son identité franco-khmère

Notre portrait du mois est consacrée une nouvelle fois à un franco-khmer. En 1996, à 34 ans, il est revenu au Cambodge poursuivre sa carrière et partager son expérience acquise en France. Depuis 2019, Boun Kean EAP, est directeur de l'hôtel L’Indépendance à Sihanoukville. Il a construit son destin comme un jeu de construction, en fonction des circonstances de l’existence et des opportunités qui se présentaient à lui. Boun Kean nous dévoile son parcours personnel et professionnel mais aussi l’importance de son identité Franco-Khmère.

A la fin de l’année 1975, Boun Kean a 12 ans, son enfance au sein d’une famille de 11 enfants à Battambang a déjà été profondément bouleversée par la guerre qui sévit au Cambodge. Après un passage en Thaïlande à quelques kilomètres de Poipet, il est accueilli en France dans un centre de réfugiés à Herblay, en région parisienne. Boun Kean a reçu une éducation francophone au Cambodge, car l’Alliance Française y assurait des cours de perfectionnement. «Quelques mois plus tard, j’étais adopté par une famille française formidable du 13e arrondissement de Paris, avec qui j'ai vécu jusqu'à ma majorité".


Le choix d’une formation comme un destin


Le gamin de Battambang scolarisé dans une école, près de la Place d’Italie, continuait de recevoir des cours de l’Alliance Française. Ce bon élève était très suivi par sa famille adoptive. "Tandis que mes camarades de classe allaient au sport, moi j’avais des cours supplémentaires de français. C'est certainement grâce à ces cours que je maîtrise parfaitement la langue de Molière" raconte Boun en souriant.


A la fin du secondaire, il s’oriente vers une formation professionnelle à l’École Hôtelière Jean Drouant, Paris 17e. "Ma mère avait la réputation d’être une bonne cuisinière au Cambodge. Ma famille adoptive m’a aussi transmis le goût de la gastronomie française, cela a effectivement influencé mon choix de carrière".


A l’issue de ses études, Boun Kean obtient un BTS et enchaîne des expériences très formatrices.


Il débute chez Lucien-Barrière à La Baule, puis chez les Bars à vins L'Écluse et notamment dans la Maison Lenôtre où régnait l’esprit d’excellence. Il a travaillé dans les brigades des établissements mythiques du Pré Catelan et du Pavillon Élysée. Il a collaboré près de 15 ans avec le groupe Accor, Sofitel et Novotel, en France et en Asie (Chine, Laos et bien sûr au Cambodge à Phnom Penh et Siem Reap).


Le magnétisme des racines familiales


En 1996, Boun Kean décide de passer, pour la première fois, trois semaines de vacances en solitaire au Cambodge. "J’en avais tellement envie. A cette époque la situation économique en Europe n’était pas très bonne, Je me suis dit que c’était probablement le moment de tenter une expérience dans mon pays natal. Avec l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco, le Cambodge commençait à s’ouvrir au tourisme". Il rencontre le DRH du Sofitel Cambodiana, que tout le monde appelait “Le Cambo”, qui cherchait un directeur-adjoint restauration et le présente au directeur de l’hôtel.


"Celui-ci m’a embauché à l’issue de l’entretien. C’était “la belle époque du Cambo” qui était le seul grand hôtel du pays. J’avais 34 ans, une nouvelle tranche de vie se présentait à moi. Je voulais la croquer avec gourmandise. Je suis rentré à Paris. J’avais un mois pour boucler mes valises et repartir à Phnom Penh. J’étais déterminé et motivé par ce challenge" raconte Boun Kean avec son rire jovial.


L’atout pour l’intégration


"J’étais trilingue et j’avais la culture Khmère, évidemment de grands atouts. Cependant, l’intégration n’était pas aisée il fallait la bâtir soi-même. Le plus difficile, je me souviens, c’était que les Cambodgiens me considéraient plutôt comme un étranger, à cause de mon physique mais aussi de ma façon de parler Khmer avec un accent étranger. Mes collègues cambodgiens, eux, m’ont bien accueilli car j’étais l'un des rares franco-khmers à travailler au Cambodiana. Employé d’un établissement français, ma maîtrise du français m’a beaucoup apporté, principalement auprès des personnalités khmères, diplomatiques, et particulièrement du Palais Royal et du Gouvernement car le Sofitel assurait beaucoup de prestations".

En décembre 2013, Boun Kean est recruté par la chaîne hôtelière cambodgienne Dara Hôtels, en qualité de directeur de l’Hôtel Indépendance à Sihanoukville. C’était encore une petite ville provinciale mal éclairée, des rues défoncées, aucune infrastructure. Cet hôtel de 7 étages, construit en 1963, était alors un fleuron connu comme “Hotel Pram-Pi Chhorn”. En 2017, il prend la direction du Dara Airport Hotel à Phnom-Penh avant de revenir à L’Indépendance en décembre 2019.


Quand on demande à ce quinquagénaire affable de définir son identité Franco-Khmère, il répond spontanément que c’est pour lui une très grande chance ! "J’ai la chance de pouvoir penser et parler en khmer et en français. Et surtout, précise-t-il, j’ai redécouvert mon propre pays après plus de 20 ans d’exil avec une vive émotion. Je connaissais plus la France que le Cambodge. Les seules images dans mes souvenirs étaient celles de Battambang, bien que ma famille vive aussi à Phnom Penh. En France comme au Cambodge, je suis toujours resté en contact avec la communauté khmère, c’est primordial pour moi."


Boun Kean est adhérent de Anvaya, association qui rassemble des professionnels de la diaspora cambodgienne soucieux de participer au développement de leur pays d'origine.

. Il est également membre de Disciples d’Escoffier au Cambodge.


Boun sur son lieu de travail à Sihanoukville


La rude épreuve de la Covid-19


En 2020, Boun Kean a été atteint par la Covid-19. Il admet que l’expérience a été très pénible et longue, mais il vante le professionnalisme de l’équipe médicale cambodgienne qui l’a suivi. "Heureusement, j’étais le seul employé contaminé de l’hôtel" plaisante-t-il.


En mars 2021, la région de Sihanoukville a été confinée suite à une nouvelle vague de contamination dans le pays. Boun Kean dit avec pragmatisme «nous prenons cela avec calme et patience car il n’y a pas d’autre alternative. Forcément, nous souffrons tous de l’absence de touristes. Avant le confinement, nous accueillions de nombreux touristes khmers, mais désormais nous sommes à l’arrêt».


Nous avons demandé à Boun Kean son point de vue sur le développement actuel de la région de Sihanoukville.


"Une région sans développement est une région morte. Chaque ville a la nécessité de se développer, même si cela suscite des controverses. Cependant, il faut toujours penser au bien-être, au respect de la nature et de notre environnement. Cette cité côtière à la situation géostratégique attire bien des investissements locaux et internationaux dont une grande partie est chinoise.


"Son littoral dispose d’innombrables atouts touristiques et économiques. Elle ne peut pas prospérer avec des cabanons et des routes défoncées. Je ne comprends pas les critiques au sujet des gratte-ciels, hôtels, casinos et des infrastructures routières dans la région. On trouve encore des sites à taille humaine. J’ai le privilège de diriger un hôtel iconique en bord de mer, situé dans un parc de 35 ha de verdure. Il est le seul sans casino à Sihanoukville."


Ce grand généreux cultive sa nature optimiste et se prépare avec son équipe pour l’avenir meilleur de l’après pandémie, quand les touristes reviendront. En attendant, chaque jour, il prend le temps de s'évader en fixant la ligne d’horizon sur la mer, admirant le coucher du soleil de la baie de Sihanoukville.


Rédaction : Françoise Gouézou pour Français au Cambodge - Plus Forts Ensemble !

Photos données par Boun Kean Eap 10/04/2021



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