Docteur Garen, vous êtes installé au Cambodge depuis fin 1994, c’est à dire presque 30 ans. Comment résume-t-on 30 ans de vie au Cambodge en quelques lignes, quelles ont été les grandes étapes de votre vie ici ?
Après mon départ de France, fin 1994, je me suis offert un petit tour du monde, et suis passé par hasard au Cambodge. J’ai constaté qu’il n’y avait pas de médecin généraliste installé en libéral à Phnom Penh. Après 6 mois de médecine bénévole au Vietnam dans le cadre d’une ONG, à installer des dispensaires dans les quartiers pauvres de Hue et Hô Chi Minh (Saïgon), j’ai donc ouvert un cabinet médical fin 1995 à Phnom Penh, European Medical Center, sur le boulevard Norodom, puis… (attention la liste est longue ndlr.)
Novembre 1995 : ouverture du premier Centre Medico Sportif au Cambodge sous l’égide du Comité National Olympique du Cambodge pour la surveillance des athlètes cambodgien pour leur participation aux jeux d’Asie du Sud Est (ASE), après 35 ans d’absence a la compétition ;
Création début 1996 de la première équipe de Rugby au Cambodge, « Les Piliers d’Angkor », et développé l’école de rugby au sein de l’ONG PSE (Pour un Sourire d’Enfant), ce qui par la suite a permis d’avoir de nombreuses équipes masculines et féminines, ainsi qu’un championnat, avec la création d’une Fédération de Rugby du Cambodge et d’une équipe nationale. Le 6 Octobre 2001, a eu lieu à Siem Reap, le 1er tournoi international de rugby à 10 ; le « Angkor 10’s » devenu le « Cambodia 10’s » qui se perpétue annuellement depuis ;
Juillet 1996, je suis devenu Directeur médical de SOS International de Phnom Penh puis Médecin Conseil référent de l'Ambassade de France jusqu’à la fin 2020. Je suis toujours Médecin Consultant et Réfèrent des Nations Unis au Cambodge ;
En 2001, ouverture de Naga Clinic, petit centre médical hospitalier à Phnom Penh (fermeture en 2019)
En 2002, ouverture de Naga International Clinic à Siem Reap, en collaboration avec le Bangkok Hospital
En 2003, Médecin sur le film de Jean Jacques Annaud « Les deux frères » mais aussi l’ouverture, la création et la gestion, d’un boutique hôtel de charme de 18 chambres, « La Maison d’Angkor » à Siem Reap, que j’ai vendu en fin 2018 ;
En 2004, j’ai été Médecin conseil pour le film de Bertrand Tavernier « Holy Lola »
En 2008, j’ai participé à la création de l’AEFC - Association d’Entraide des Français au Cambodge ;
En 2009, j’ai créé un nouveau cabinet médical à Siem Reap, le Naga Healthcare, avec la participation d’un médecin hollandais, le Dr Jost Hoekstra, qui est récemment décédé.
En octobre 2019 ouverture en associations avec d’autres confrères, de Advance European Medical Center à Phnom Penh;
Puis en septembre 2020, ouverture d’un cabinet médical à Kampot, Green Global Medical Center (GGMC) pour venir en aide, à un médecin français le Dr Jean Terrasse, qui était en grandes difficultés. Décédé récemment, c’est le docteur David Ung qui a pris sa succession.
Fondateur de l’AEFC (Association d’Entraide des Français au Cambodge) en 2008, vous avez récemment passé la présidence de cette association tout en gardant un rôle actif. Pourriez-vous nous présenter le nouveau bureau et nous indiquer quels sont les défis pour une association de solidarité comme l’AEFC ?
A l'image d'autres associations (Cancéreux, Diabétique, ...) cette nécessité d'entraide ici au Cambodge, a longtemps germé dans mon esprit. Je voyais beaucoup de français qui tombaient dans des situations morales, médicales, financières, familiales, juridique, administratives, ou professionnelles très difficiles. L'éclosion fut longue et difficile, par manque de réelle volonté ou de nombre de volontaires ! Mais courant 2008 les circonstances ont voulu que nous puissions, avec un certain nombre d'entre nous, français résidants, et avec l'aide des services consulaires de l'Ambassade de France, faire naître cette association de Solidarité Française au Cambodge. Ce fut fait.
Certains de nos compatriotes peuvent vivre dans une situation de grande précarité et le but de l’AEFC, est de venir en aide et de donner des conseils, en dehors des prérogatives consulaires, a ces français en grandes difficultés.
Comme chaque année, nous avons fait notre Assemblée Générale en février dernier, et j’ai voulu laisser ma place de Président (depuis sa création, j’avais fait plus de 8 ans de présidence), et c’est Jean Pierre Freneau qui a été élu, avec Mme Mona Hard comme Vice-Présidente, Mme Bénédicte Monroe comme Secrétaire, et moi-même comme Trésorier. Le Conseil d’Administration est composé : de Mesdames Buissard Marie Noëlle, Ermine Norodom et de Messieurs Bruno Bogvad, Maurice Cartal, Jean Pierre Chenu, Didier Jean (représentant à Kep-Kampot), Yvon Morvant, et Bernard Podevin (représentant a Siem Reap).
Notre but est le même ; continuer à être présent et performant pour aider des expatriés français en grandes difficultés, toujours en étroite relation, et en collaboration, avec les services consulaires, et sous le respect des lois et des coutumes de notre pays d’accueil, le Cambodge. Nous pencher sur des dossiers qui sont pour certains expatriés ou leur famille, des dossiers à problèmes ; celui de la couverture sociale et médicale, celui de la retraite, celui de l'héritage, celui des orphelins français du Cambodge, rendre visite à nos compatriotes en hospitalisation ou en détention, …. Pour ma part je pense que les Français du Cambodge doivent encore plus se « serrer les coudes » et faire preuve d’encore plus de Solidarité.
Cette interview du mois paraît à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet. Depuis 2014, vous êtes récipiendaire de la Légion d'honneur, plus haute distinction de la République française, qu’est-ce que cela représente pour vous en ce jour de fête nationale ?
Le 21 novembre 2014, très grand moment pour moi, lors de la remise de la Légion d’honneur par S.E. Monsieur l’Ambassadeur de France au Cambodge, Jean Claude Poimboeuf, et qui me dit « Il ne suffit pas d’habiter depuis 20 ans au Cambodge et de jouer au rugby afin de prétendre à cette haute distinction de la République, mais c’est pour la totalité de votre engagement que celle-ci vous est remise ».
Le 14 Juillet, Jour de la Fête Nationale Française, c’est la fête de tous les français, et a toujours été pour moi un évènement important, qui commémore un épisode historique de la nation française, qui symbolise, l’identité de la France et de ses valeurs.
C’est aussi surtout un moment qui nous marque, pour nous Français de l’étranger, c’est une opportunité de réunion, de convivialité et d’unité, et représente pour moi la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.
C’est vrai, je suis très franchouillard, et heureux de l’être.
Le monument aux morts de Phnom Penh, le « Roup Pi » est officiellement inauguré ce 14 juillet par le Premier Ministre, Samdech Techo Hun Sen. Votre père a servi en Indochine, quel regard portez-vous sur le monde combattant ?
Mon père, 98 ans à ce jour, ayant servi, dans la Résistance, en Indochine et en Algérie, je garde bien sûr, un regard très très respectueux et reconnaissant pour nos anciens combattants, et ce « Roup Pi - Monument aux morts » est un symbole de solidarité entre le Cambodge et la France, en mémoire aux soldats cambodgiens tombés pour la France lors de la grande guerre 14-18.
Mais si possible, mon idéal c’est la Paix. Eviter les querelles et conflits, avoir le respect d’autrui, la tolérance, la solidarité et l’ouverture aux autres.
Nous remercions le Docteur Garen pour ses propos et vous souhaitons à toutes et tous une belle fête du 14 juillet 2023.
@ photos fournies par Jean-Claude Garen.